LA RÉPUTATION DE L’AVOCAT DANS LA LITTÉRATURE DU MOYEN-ÂGE
LA RÉPUTATION DE L’AVOCAT DANS LA LITTÉRATURE DU MOYEN-ÂGE
Si les avocats ont aujourd’hui à souffrir d’une réprobation plus ou moins méritée, il n’eût pas fallu attendre l’arrivée des réseaux sociaux ou des médias télévisés pour voir l’opprobre les draper d’un voile plus sombre que les robes qui les habillent. Ecclésiastiques, poètes, penseurs, historiens ou moralistes médiévaux ont, en leur temps, décrit et décrié l’avocat comme la source de tous les vices.
La Patrologiae Cursus Completus, Series Latina permet de connaître le sentiment de Pierre de Blois (1135-1203) à l’égard de l'homme de robe. Avare (« Militant avaritiae patroni causarum »), il est souvent comparé à la « mesnie Hellequin », une légion de revenants venant hanter l’esprit des naïfs. En vérité, l’élève de Jean de Salisbury a contre eux un reproche bien plus occulte : les avocats étudient, pratiquent et propagent le droit romain, au détriment du droit canonique.
Les demandes de renvoi vous déplaisent ? Au franciscain Guibert de Tournai (1200-1284) aussi ! Déloyal, faux, fourbe et de mauvaise foi, l’avocat ne peut que finir en enfer. Et même alors que Satan va pour lui prendre son âme, l’avocat demande un délai ! La requête est rejetée par le Très-Haut, estimant qu’il en avait abusé durant sa carrière pour frustrer les parties adverses.
Thierri de Saules rapporte, lui, qu’au moment de sa mort, un avocat fort célèbre reçut la visite des religieux de sa paroisse venus lui demander de faire don de sa fortune à l’Église. L’avocat objecta qu’il n’existait aucun texte qui pût lui imposer telle succession : « Ainsi vous me condamnez sans droit ; j’appelle. » Mort intestat, l’avocat alla faire appel devant Dieu.
L’historien Jacques de Vitry (1160-1240), qui fut aussi et surtout évêque de Saint-Jean-d’Acre, dans son sermon « Ad judices et advocatos », dit des avocats qu’ils sont une calamité proche de la deuxième plaie d’Égypte : l’invasion des grenouilles : « Et fluvius Egypti in abundantia temporali producit ranas garrulitatis, quae ascendant cubiculum Pharaonis. Advocati et hystriones familiares sunt et divitum quorum concilio reguntur… ».
Pour finir, le bénédictin Gautier de Coincy (1177-1236) est de ceux qui eurent les prêches les plus virulents à l’égard des avocats qui : « vendent leurs langues au détail et pervertissent la vérité ». Ainsi, jamais ils n’entreront au Paradis pour y voir le Sauveur, car devant le Tribunal de Dieu, sera venu leur temps pour eux de plaider coupable.
La parole est à la défense...
Patrologiae Cursus Completus, Series Latina, Tomus CCVI, J-P MIGNE, 1904, col. 91-92.
J. VITRY, Sermon "Ad judices et advocatos", Bibliothèque Nationale, ms.lat. 17509, f° 35.
M. POQUET, Les miracles de la Sainte-Vierge, traduits et mis en vers par Gautier de Coincy, Paris, 1858, col. 601-602.
R. DELACHENAL, Histoire des avocats au parlement de Paris, 1300-1600, Paris, E. Plon, 1885, p. 299-329.