CONSENSUALISME ET RESPECT DE LA PAROLE DONNÉE EN DROIT MÉDIÉVAL

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Publié le: 09-07-2025

CONSENSUALISME ET RESPECT DE LA PAROLE DONNÉE EN DROIT MÉDIÉVAL


Le droit canonique, à la différence du droit romain, érige en règles des principes universels issus des textes religieux ou théologiques. C’est de là que le droit de l’Église tire son autorité, c’est-à-dire essentiellement de la doctrine et non pas de la pratique, de la casuistique ou de la législation si l’on fait abstraction de la législation pontificale.

À ce titre, le Décret de Gratien (1140) fournit dès ses premières lignes un texte qui a tout d’un principe qui préfigure les développements de la doctrine canonique : « Unde Christus in evangelico : Omnia quecumque vultis ut faciant vobis homines, et vos eadem facite illis. Haec est enim lex et prophetae. » Le principe posé par Gratien est très clair : ce que vous désirez que les hommes vous fassent, faites-le aussi pour eux. La règle est inspirée de l’Évangile selon Saint-Matthieu dans son Sermon de la Montagne où l’on peut lire : « Que ton oui veuille dire oui, et que ton non veuille dire non. Tout autre chose vient du malin ».

Dans ces mots se trouve sans nul doute traduit la consécration juridique du principe du respect de la parole donnée chez les juristes médiévaux. D'ailleurs, le Tractatus in Matthaeum de l’évêque Chromatius d’Aquilée(† ca. 407) énonce que :

« Par la grâce de la doctrine évangélique, la loi de Moïse a reçu un progrès : dans la Loi il est prescrit de ne pas se parjurer, dans l’Évangile de ne pas même jurer. […] La bouche qui calomnie détruit l’âme, dit l’Écriture (Livre de la Sagesse 1, 11). Qui dit la vérité jure donc déjà, car il est écrit : Un témoin véridique ne ment pas » (Livre des Proverbes 14, 5).

Ce respect de la parole donnée cher aux canonistes est un dénominateur commun de toutes les religions, mais également de toutes les législations et se trouve un corollaire dans le droit civil au travers de l’adage Pacta sunt servanda. Saint-Thomas d’Aquin traduira ce principe bien plus tard au XIIIe siècle dans sa Summa théologica en ces termes : « Il y a mensonge à ne pas accomplir une promesse » (« Mendacium est, si quis non impleat, quod promisit »). C’est sur cette base que se développe le consensualisme dans la formation des contrats chez les canonistes (contrairement aux civilistes encore trop attachés aux vestimenta). Pour eux, le consentement suffit à la formation du lien d’obligation car le respect de la parole donnée prime sur le formalisme des actes juridiques.

- Distinctio 1 (éd. Æ. Friedberg, Corpus iuris canonici, Pars prior, Decretum magistri Gratiani, Leipzig, Bernhardi Tauchnitz, 1879, p. 1).
- Matthieu, 5, 37.
- A. Bastit-Kalinowska, « Les Tractatus in Mattaeum de Chromace et leur lecture de « Matthieu », in : Proceedings of the international Conference held in Aquileia (22-24 may 2008), P. fr. Béatrice – A. Persic éd., Turhout, 2011, p. 426-467.
- Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Cerf, 2021, t. 3, question 110, art. 3, p. 682.

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