« Pendu jusqu’à ce que mort s’ensuive… »
⚖️« Pendu jusqu’à ce que mort s’ensuive… »☠️
Si l’expression semble, de prime abord, confiner au pléonasme, il n’en est rien, car durant le Moyen Âge, l’intervention de Dieu dans l’exécution de la sentence pouvait servir d’échappatoire au supplicié.
En témoigne le Miracle V du Codex Calixtinus, qui nous conte le récit suivant :
« Vers l’an 1020, un Allemand et un de ses fils partirent de leur terre pour se rendre en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle.Pendant le dîner, l’aubergiste tenta d’enivrer le gentilhomme allemand et parvint à ses fins ; et, pendant que le pèlerin ivre dormait profondément, il cacha une tasse en argent dans ses sacoches.Le lendemain, dès que le père et le fils quittèrent l’auberge pour continuer leur route, l’aubergiste courut derrière eux en criant, les traitant de voleurs et disant haut et fort qu’ils lui avaient dérobé une tasse en argent.Le juge régla l’affaire en décidant que le fils serait pendu, et le fils fut pendu.L’âme remplie de chagrin, le père continua son pèlerinage à Saint-Jacques.Trente-six jours plus tard, repassant par Toulouse sur le chemin du retour depuis Compostelle, où il avait visité la tombe de l’apôtre, il s’arrêta à l’endroit où son fils avait été exécuté. Voyant que son corps était toujours suspendu à la potence, il se mit à pleurer très fort. Alors, soudain, le fils se mit à parler et dit pour consoler son père : “Mon père adoré ! Ne pleure pas !” »
Vivant, le fils s’était vu sauver d’une injuste peine par l’intervention du Divin dans la procédure criminelle des hommes.
Cette histoire donna naissance au « Miracle du Pendu dépendu », mais aussi à l’expression de la grâce divine dans la justice temporelle.
L’affaiblissement des vénérations superstitieuses fit cependant perdre de leur éclat aux miracles de Compostelle, et la réalité des châtiments balaya les prodiges de Saint-Jacques.
Ainsi, dès le XVIIIᵉ siècle, nombre d’auteurs expriment avec une clarté limpide qu’un pendu doit l’être « jusqu’à ce que mort s’ensuive ».
C’est le cas notamment de Sir William Blackstone (1723-1780) dans ses Commentaires sur les lois anglaises, où il écrit :
« En finissant, j’observe que si le criminel condamné à être pendu jusqu’à ce que mort s’ensuive survit, par le fait, à son exécution, il est clair que le shérif doit le faire pendre à nouveau. Car le premier supplice n’a pas été l’exécution complète de la sentence ; et si l’on cédait, en pareil cas, à une commisération déplacée, il en pourrait résulter une infinité de collusions. »
Le miracle du pendu dépendu ? De nos jours, on appelle ça « un vice de procédure » — et c’est l’avocat qui fait le miracle.
Calixte II, Libellus miraculorum S. Jacobi apostoli, dans Patrologia Latina, éd. J.-P. Migne, t. 163, Turnhout, Brepols, 1854, p. 1372.
J. de Voragine, La Legenda Dorada, trad. J. M. Macías, Madrid, Alianza Editorial, 1982, p. 401-402.
W. Blackstone, Commentaires sur les lois anglaises, t. 6, Paris, 1823, p. 351.
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